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    La mission de Prosper Mérimée

    Depuis sa construction, probablement au début du XIIe siècle, l'ensemble de l'architecture religieuse de Carbini a subi de graves dommages.
    Les visiteurs apostoliques, au cours du XVIe siècle, signalent un très beau campanile dépourvu de cloches. C'est surprenant car les campaniles avaient autant d'utilité pour sonner le tocsin, en cas de calamités, que pour sonner l'angélus ; ce qui explique en partie le fait qu'ils soient distincts de l'église. Il est donc toujours dressé et sa ruine n'intervient qu'au siècle suivant. On sait également par l'un d'eux que San Quilico est en mauvais état, surtout la toiture ; mais les murs subsistent.
    En 1839, d'après Mérimée, peu précis dans ses mesures mais attentif à l'essentiel, les murs de San Quilico sont abattus à un mètre du sol et le campanile de trois étages n'en a plus qu'un. C'est dire qu'il est encore érigé aux deux tiers de sa hauteur.
    Les photographies de Jules de Laurière, secrétaire général de la Société française d'archéologie, montrent qu'en 1883 l'ouverture du 1er étage subsistait avec un départ de maçonnerie, dans un angle, vers le 2e étage. Il reste au moins un pan de mur visible à l'emplacement de San Quilico.

    Circonstances politiques

    En mai 1839, Jean Vatout, familier de Louis Philippe, est nommé directeur de la Commission des monuments publics et historiques qui est rattachée au ministère de l'Intérieur. Il arrête que le département de la Corse fera partie de la tournée d'inspection de Prosper Mérimée qui a été nommé inspecteur général des Monuments historiques en 1833. La charge venait d'être créée par Guizot, trois ans plus tôt, pendant son bref passage au ministère de l'Intérieur.
    Le romantisme avait découvert la Corse, territoire étrange, et le souvenir napoléonien vivait d'un second souffle. Mérimée, qui a publié Mateo Falcone dix ans plus tôt,  ne boude pas son plaisir d'aller y faire un tour. Il a déjà écrit une dizaine d'ouvrages : théâtre, nouvelles, roman historique. Ecrivain, juriste, homme du monde proche des pouvoirs successifs, il est surtout connu, aujourd'hui, par ses récits où l'exotisme romantique fait bon ménage avec le réalisme.
    On connaît moins le Mérimée qui avait bénéficié de la culture artistique de sa famille, ses travaux sur l'art et l'histoire, son dévouement à la cause du patrimoine architectural. Il joua pourtant un rôle important dans sa conservation et sa mise en valeur, par son attention constante et, aperçu non négligeable, par son influence modératrice sur Eugène Viollet-le-Duc, son cadet de dix ans, qui construisait volontiers des châteaux médiévaux au XIXe siècle.
    Dans un courrier du 24 juin 1839, Tanneguy Duchâtel – qui vient d'être nommé ministre de l'Intérieur et quittera bientôt le ministère pour y revenir huit mois plus tard –, autorise Mérimée à partir faire sa tournée d'inspection. Mérimée part dès le 29 juin pour le sud de la France où il entame sa mission ; il s'embarquera à Toulon pour Bastia, le 15 août, jour marial, jour béni pour aborder la Corse et ses sanctuaires.
    Il rayonne autour de Bastia jusqu'à Aléria puis, à partir du 2 septembre autour d'Ajaccio ; il ne manque pas d'aller visiter Colomba, devenue Mme veuve Bartoli, à Fozzano. Après Bonifacio et Porto-Vecchio il visite l'Alta Rocca et Carbini, dans la deuxième quinzaine de septembre. Il retourne à Ajaccio, remonte la côte occidentale jusqu'à Cargèse, et, par Ajaccio rejoint Bastia où il s'embarque le 7 octobre pour Livourne et un séjour privé en Italie.
    Ce circuit en lignes brisées est dû en partie aux renseignements qu'il recueille localement sur certains sites ainsi qu'à la nature des déplacements propre à la Corse et dont il se fera rembourser scrupuleusement les frais à raison de 386 postes ½. Il percevra, en outre, une « indemnité spéciale » et substantielle de 4 000 francs.

    Projet de restauration

    On connaît l'appréciation de Prosper Mérimée sur le campanile de Carbini : « … le plus ancien, le seul ancien qui subsiste en Corse. ». La forme caractéristique de l'ouverture, qu'il rapproche des exemples toscans, en confirme l'intérêt. Il demande une allocation au ministre, en vue de la restauration, plaidant pour la paroisse dans le dénuement.
    C'est le début d'un mouvement important vers une codification du statut des monuments historiques. Il ne sera pas favorisé par l'enchaînement des crises sociales, l'instabilité politique et les conflits. La Commission des monuments historiques avait créé en 1851 une « mission héliographique » chargée de répertorier les photographies des monuments de France. L'ensemble de Carbini, qui n'était sans doute pas en tête de liste, figurera à partir de 1883 ; le classement au titre de monument historique est arrêté le 12 juillet 1886.
    Pourquoi si tard ? Plus de quarante ans sont passés depuis la demande de Mérimée.
    On constate que parmi les quelques églises classées en 1840 dans le nord, « en deçà des monts », Saint-Michel de Murato est vu « … dans un état de conservation très satisfaisant », et les trois ou quatre autres monuments ne semblent pas faire l'objet d'une demande d'allocation pour travaux. On peut supposer que l'engagement de l'Etat pour la conservation et la sauvegarde des monuments historiques, qui s'accompagne d'une contribution de financement, a retardé ce projet jusqu'à une période plus favorable. D'autre part, la désaffection de la paroisse de Carbini, à cette époque, son manque de notoriété et l'importance des travaux à réaliser ont dû retarder la décision. Vers 1890, l'architecte en chef Albert Ballu  trace les plans du clocher de Carbini, le clocher tel qu'il subsiste, exactement comme l'a vu Laurière, et les plans du futur clocher restauré, avec la flèche pyramidale qu'on lui connaît. Les dessins en coupe, rehaussés de sanguine, sont élégants et raffinés. Ballu, qui est intervenu sur d'autres églises en Corse, fera l'essentiel de sa carrière au Gouvernement général de l'Algérie.
    En réalité, le mouvement en faveur de la restauration a débuté plus tôt. Selon la synthèse de l'architecte en chef A. Parmain (1991), des rapports et des requêtes ont vu le jour dès les années 1850 et 1860. Mais suivons-le avec précaution ; ayant sans doute parcouru le dossier en diagonale, il se trompe sur plusieurs points qui n'avaient sans doute pas une importance déterminante pour son exposé : date de la restauration effective, nom de l'entrepreneur attributaire du marché et probablement la question des lauzes.
    Tout commence vraiment lorsque, au début de 1880, un certain Ferripisani, ancien agent voyer d'Ajaccio, adresse les dessins et relevés des monuments au directeur des Beaux-Arts qui les lui a commandés en vue du classement ; il réclame le montant de ses vacations le 2 mars 1880. Ces dessins et relevés seront très utiles plus tard à l'architecte Ballu pour établir ses plans. Puis, le 20 décembre, Viollet le Duc fait parvenir à la commission des monuments historiques, dont il est le secrétaire général, les demandes de secours de la commune accompagnées de cinq photographies (il existait donc des photographies avant celles de Laurière). Entre ces prémices et l'aboutissement de la restauration, y compris le règlement effectif, vingt-cinq ans passeront.
    De 1891 à 1893 un projet est ébauché par Boeswilldwald, membre de la commission, à la demande d'Albert Ballu. Bizarrement, il prévoit d'utiliser uniquement des ouvriers locaux dirigés et surveillés par un agent de l'administration, à l'exclusion de tout entrepreneur. La commune participera pour un tiers en fournissant des matériaux et de la main-d'œuvre, principe qui sera retenu, mais le projet chiffré de F : 33 000.- (ou de F : 26 000.- en construisant un campanile de deux étages au lieu de trois), n'aboutira pas.
    En octobre 1893, la Direction des Cultes du ministère décide de libérer 5 000 francs à intégrer au budget de la restauration, pour venir en aide à la paroisse.
    Mais l'affaire n'avance pas.
    Le 9 mai 1900, intervention du député comte Pozzo di Borgo en faveur de la restauration.
    Le 18 juillet 1901, intervention du député Emmanuel Arène.
    La décision des travaux par devis, soumission, acceptation et arrêté ministériel ne prend forme qu'à la fin de l'année 1902.
XIXe siècle. Inventaire des monuments. Projet.
Documents et plans.

Plan d'Albert Ballu                                                        

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Vers 1890, Ballu fait le plan d'un campanile dont la toiture échappe à la tradition pisane





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                                photo Marie Bartoli